Sebastian Plano - Verve

L'argentin expatrié à Berlin Sebastian Plano revient avec Verve, son troisième disque à ce jour et peut-être son meilleur. Plus épuré que Arrhythmical Part of Hearts (2013), plus maîtrisé encore qu'Impetus (2013), Verve recentre le propos sur le piano cristallin de Plano.

 

On suit avec un intérêt grandissant le travail de l'argentin Sebastian Plano. Les âmes chagrines reconnaîtront un rapprochement inévitable avec l'univers de l'islandais Olafur Arnalds, ce qui n'est pas totalement faux sur Verve. Même s'il tend à se démarquer de son collègue des pays d'en haut, Sebastian Plano semble s'inspirer ici du joyau d'Arnalds de 2010, And They Have Escaped The Weight Of Darkness pour ce même rapport avec de longues notes paradoxalement stridentes et douces.

Toutefois et malgré cette référence, Sebastian Plano travaille une matière inédite et singulière propice à la méditation, soit un Ambient cendré que ne renierait pas Harold Budd. On se plait à s'égarer au fur et à mesure de ces douceurs, au bord de l'impalpable et de la neutralité. Plano assume totalement un lyrisme certainement hérité de sa culture latino-américaine. Éminemment chaleureuse , la musique de l'argentin nous emporte tout au long d'un disque élégiaque.

Jouant avec les frontières stylistiques et les genres, la musique de Sebastian Plano se fait parfois Jazz, parfois Pop ou Ambient. Ce qui est sûr, c'est que Verve est un disque de réparation, Durant le processus de composition, Sebastian Plano a vécu un cambriolage et s'est fait volé tous les masters du disque en gestation. Pour lui, pas d'autre choix que de reprendre tout le travail à zéro et peut-être au passage d'idéaliser la matière qu'il avait imaginée et désormais disparue. De ce fantôme de création, de ces souvenirs vagues, il tire l'essentiel et insuffle une forme d'urgence à ses lignes mélodiques. Comme quoi de l'inconfort naît souvent une force stimulante, elle est ici palpable dans chacun de ces titres.

On n'oubliera pas non plus de rappeler la beauté du violoncelliste qu'est également Sebastian Plano. Autant les six premiers titres de Verve sont clairement plus orientés autour du piano, autant à partir de One Step Slower et plus particulièrement Exta, il affirme un archet nuancé et coloré. Sur Extrema, on serait bien en droit de dire "Richter des Blue Notebooks, sors de ce corps" mais on ne s'hasardera pas à cet exorcisme vain tant on est saisi par la beauté de l'ensemble. On ne saurait trop conseiller l'écoute des deux inédits uniquement disponibles en téléchargement et en particulier le vibrant Volant comme un nouveau clin d’œil à l'Olafur Arnalds de 2010, une manière peut-être de boucler une boucle et de s'affranchir de soi et de ses influences pour Sebastian Plano. Ce qui est certain, c'est qu'il faudra compter sur lui dans la musique néo-classique, que son nom sera lui aussi une référence mais pour cela, l'argentin prend son temps dans une lente macération nécessaire. Verve est splendide et sans aucun doute, le prochain disque de Sebastian Plano sera un grand disque, un chef d'oeuvre qui sait ?

Profitons pour l'heure des lumières entre chien et loup, des heures bleues, des murmures étouffés, de l'onde qui se propage sur l'eau tranquille d'un lac.

☆☆☆☆

Decca Records - 1 mars 2019

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