La Disparition de Josef Mengele : Serebrennikov face au monstre
Dans un noir et blanc somptueux, Kirill Serebrennikov retrace la cavale de Josef Mengele, le médecin d’Auschwitz. Un film glaçant et fascinant sur la fuite, la culpabilité et la folie d’un homme traqué par ses démons.

Le livre d’Olivier Guez (Grasset, 2017), dont s’est inspiré Kirill Serebrennikov pour son film, était passionnant, tout comme la bande dessinée de Jörg Mailliet (2023), elle-même adaptée du roman. Il aurait été dommage qu’il n’en soit pas de même pour le film.
Le réalisateur de Leto et Limonov s’empare ici d’une des figures les plus fascinantes et les plus terrifiantes du nazisme : Josef Mengele, le médecin d’Auschwitz, qui réussit à échapper à ses juges pour se réfugier dans divers pays d’Amérique du Sud, notamment en Argentine et au Brésil, où il mourra presque tranquillement, au cours d’une baignade en mer.
Dans un noir et blanc superbe, très contrasté, aux noirs profonds — assez différent de celui de L’Étranger ou de Nouvelle Vague — le cinéaste russe nous plonge très vite dans un film à l’atmosphère aussi sombre que captivante. On y suit les traces du terrible médecin nazi, incarné avec justesse par l'acteur allemand August Diehl, à travers les différents moments qui ont marqué la seconde partie de son existence : ses années d’exil, ses rencontres avec d’anciens dignitaires nazis eux aussi réfugiés de l’autre côté de l’Atlantique, et les retrouvailles avec son fils venu le voir dans les derniers instants de sa vie pour tenter de comprendre.
Serebrennikov dresse le portrait d’un homme de plus en plus seul au fil des décennies, englué dans sa paranoïa, refusant jusqu’au bout d’admettre la moindre responsabilité. Trente années durant lesquelles le monstre change d’identité, enchaîne les petits métiers et survit dans une clandestinité teintée de délire. Avec une précision et un sens du cadre remarquables, le cinéaste signe un film à la fois fascinant et dérangeant, notamment lors des scènes — les seules en couleurs — qui montrent, à travers de petits films muets tournés en Super 8, le « boucher d’Auschwitz » et les médecins qui l’entouraient menant leurs expériences inhumaines sur des déportés, dans une ambiance effroyablement banale.
On passe ainsi deux heures aux côtés de ce psychopathe, dans un univers cauchemardesque et paranoïaque, par moment proche du film noir ou du film d’espionnage. Un film aussi qui interroge : comment un tel homme a-t-il pu échapper si longtemps à la justice ? Quel rapport un fils peut-il entretenir avec un père monstrueux ? Et comment un être humain peut-il continuer à s'accrocher à la vie en étant traqué et hanté par les fantômes de son passé ?
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Durée : 2 h 16
Date de sortie en salle : 22 octobre 2025







